lundi, juin 11, 2007

la fin approche: j'ai mal au coeur

l'année se termine tout doucement.
On dit toujours ça.
Or, ça ne se termine jamais tout doucement, jamais fadement. La fin est toujours trop rapide, trop longue à venir, émouvante ou libératrice, mal préparée car emplie de trépidations, d'activités en tout genre, d'examens à corriger, de travaux à boucler.
rien de doux, rien de calme en ce moment.
Du pénible: Ma cinquième infernale que je n'ai que de 16 à 17h après le sport, la musique, les arts-plastiques (il faut bien finir la journée avec quelque chose qui délasse, qui détend; le français, on le sait bien, c'est pas important). ils me rendent chèvre, oursonne, ogresse. Je me suis d'ailleurs auto proclamée "sorcière officielle des 5°1" tant j''ai à me fâcher en permanence, tant j'ai les yeux tout noirs avec eux, tant je les incendie à tout va.
L'année se termine trop lentement avec ceux là. Ils ne m'amusent plus; m'épuisent. Adieu Sean, Adieu Kévin (non, je n'ai pas choisi des pseudos rigolos...c'est bien l'identité de mes deux élèves préférés)
Mais...
hormis les 5° terribles, l'année se termine trop vite et j'ai déjà la larme à l'oeil.
Mes 3°3: classe de petit bobos avant l'heure, arrogants et sûrs d'eux. après 9 mois de méchancetés de ma part, je suis heureuse d'être parvenue à leur enseigner une compétence essentielle dans l'existence: l'art de l'autodérision, l'art de la caricature, de la dérision, de l'ironie, du sarcasme. Nous en jouons désormais ensemble, eux et moi, eux contre moi, eux avec moi. et nos cours sont devernus un véritable bonheur spirituel et linguisitique.
Mes 3°1 dont je suis la Chef attitrée (la prof principale pour parler simplement): la classe des "déchets", "épaves ""sauvageons" "racailles" et autres qualificatifs tout aussi mélioratifs dont les affublent mes collègues. C'est vrai que Mes 3°1 sont une bande d'affreux jojos, paresseux, inintéréssés et souvent aussi inintéressants, avachis, amorphes, excités, vindicatifs, malpolis....chacun aspire à votre départ.
je ne vais pas jusqu'à dire que je voudrais vous garder, non, ce serait mentir. Mais je me suis terriblement attachée à ma bande de zouaves. J'avais tant à faire avec eux, tant à leur apprendre, tant à redresser, calmer, relativiser...éduquer en somme. je les ai tellement vus! forcément: dès qu'ils pêtaient un cable avec l'un de leur professeur, on me les envoyait...et donc, cette année, même lorsque j'avais cours avec d'autres classes, j'ai quasiment toujours eu 1, 2 ou 3 3°1 dans ma classe....une telle assiduité crée forcément des liens.
je pense n'avoir jamais été aussi dure, intraitable, intransigeante et vraiment méchante parfois...il faut croire qu'à 15 ans, on est totalement maso car, au final, je sais qu'ils m'aiment bien.
c'est une réaction égocentrique terriblement honteuse mais...je dois l'avouer: je suis contente de me rendre compte en ce moment qu'une dizaine de mes 3°1 sèchent quasiment tous les cours..sauf leur cours de français; qu'ils ne viennent parfois qu'une heure par jour et que c'est pour se faire incendier par leur tortionnaire préférée. Je l'avoue aussi: après avoir entendu pedant des mois "TES 3° sont débiles"..."TES 3° , il n'y a vraiment rien à en tirer" etc...j'ai éprouvé une jubilation absolument innefable lorsqu'on a affiché les résultats au brevet blanc des troisièmes: certes, ils étaient7° sur 7 classes en Maths...certes ils étaient 5° sur 7 en histoire mais......ils sont montés sur la première marche en Français. et ce fut si bon de pouvoir leur annoncer cette petite performance et de pouvoir lire dans leurs yeux une satisfaction, une fierté qu'on leur avait empêchées d'éprouver à coups de jugements quasi castrateurs.

et enfin...et là, je sais que je vais pleurer (mon seul espoir est que je retienne le flot juisque chez moi). je vais quitter la classe que je ne voudrais jamais laisser: ma 5°5: une bande de garçons pas folichons mais gentils et amusants et, surtout, un groupe de filles douées, éxubérantes, dynamiques, pleines de fantaisie, d'imagination, d'idées ...on ne cesse de se dire q'on aime travailler ensemble: moi je les ai encensés au conseil de classe et eux ont été très déçus d'apprendre que je n'aurais pas de 4° l'an prochain et, surtout, ont voté à l'unanimité: le nom d'édition qu'ils "inventeraient" pour le roman policier qu'ils ont écrit tout au long de l'année serait....mon nom, mon nom à moi. et je n'ai pas eu le choix: je leur avais promis que je respecterai un vote démocratique. j'ai beau avoir tenté d'exprimer ma gêne et mon embarras, ils m'ont cloué le bec à coup de "mais non madame, c'est grâce à vous si on a réussi à écrire un "livre entier"...(bon, le livre en question comporte pour les moins inspirés une petite dizaine de feuilles A4; pour les futurs écrivains, une trentaine...on est loin d'une somme romanesque proustienne)
et je passe désormais mes soirées à taper et présenter leur couverture, à relier tout ça de mes blanches mains avec du raphia (ne vous moquez pas: j'ai beau être débordée par ce boulot de titan, je ne peux m'empêcher d'en faire un exemplaire de plus pour chaque élève afin de...afin de le garder pour moi in memory...)
Ils vont terriblement me manquer ces petits là.
mais je les retrouverai dans deux ans
et puis, nous habitons la même ville, on va se croiser, souvent
c'est donc pas si grave
Allez petit professeur, il faut savoir les lâcher, les laisser.
ce ne sont que des élèves après tout.
c'était ma 9° fournée.
9 ans qu'ils passent entre mes mains, qu'ils passent sous mes cris, qu'ils tentent de comprendre mon charabia, qu'ils s'adaptent à mon inorganisation chronique, à mon écriture illisible, à ma nervosité et ma rapidité non pédagogiques.
9 ans que je suis toujours aussi émue, attendrie, touchée, flattée et triste de les voir partir, de collectionner leurs petits mots, leur merci,leur au revoir et même leur "vous êtes trop sévère tout de même" qui me ravissent.

Que les anciens me disent: La routine s'installe au bout de combien d'années?A partir de quand notre coeur n'est plus au bord du gouffre le 30 juin?
Rappelez moi mes amis que, si ce jour arrive pour moi, rappelez moi cette promesse que je vous fais: je quitterai le plus beau métier du monde le jour où je ne chavirerai plus de la sorte.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est très émouvant de lire à quel point tu aimes ton beau métier !
Et heureusement qu'il y a des profs comme toi pour donner le goût des belles lettres !

Anonyme a dit…

C'était y'a déjà 11j...j'espère que tu surmontes cette émotion; ou alors, c'est encore pire vu qu'il ne reste qu'une semaine.
Tes éleves ont accés à ce blog ? et tes collègues ?

Sinon tu ne parles pas de théatre...j'ai dû louper un tour et ne pas capter que tu es passé au Roman.

Je n'ai pas de souvenir d'avoir eu une prof aussi impliqué dans sa relation avec ses élèves...ou alors ,j'étais trop con pour capter son investissement.
Tu peux être fier de se que tu fais !

Je ne sais pas si j'en aurai l'occasion, mais j'adorerai me promener avec toi dans ta ville et croiser tes éleves pour les voir heureux de te voir et de pouvoir échanger avec une adulte préoccupée par leur petite vie...En plus, ca te gonflerait de bonheur pour les heures suivantes et ca vaudrait le coup de partager ça avec toi.
On ne sait jamais, faudrait qu'on arrive à s'incruster chez vous un WE...

Steph